Google+
Google+
Google+
header

Les biocarburants c’est quoi exactement ?

Sur le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent, la chimie verte et les biocarburants ont déjà fait leur apparition depuis longtemps. Il était grand temps que Résonnances consacre un article à cette source d’énergie pas si nouvelle en phase de devenir l’un des moteurs de progrès de demain.

Mais avant de parler d’avenir, intéressons-nous d’abord de plus près à l’histoire de ces carburants qui ne datent pas d’hier mais… du XIXème siècle ! Hé oui, en pleine révolution industrielle l’inventeur du moteur à explosion, Nikolaus Otto, conçoit sa machine révolutionnaire pour qu’elle fonctionne avec de l’éthanol ! Cet alcool était alors produit par la gazéification de produits carbonés, en particulier du charbon de bois. Autres surprises, le premier moteur Diesel fonctionnait à l’huile d’arachide et la mythique Ford T roulait au bioéthanol ! Mieux, en 1902 et en 1904, le Ministère français de l’Agriculture organise un « Circuit automobile du Nord » destiné à propager l’utilisation de l’alcool comme carburant dans les moteurs à explosion. La Société des transports en commun de la région parisienne (S.T.C.R.P.) expérimente un carburant contenant de l’alcool sur 1 500 autocars Schneider et du 1er juin 1906 à novembre 1907, ses cars consomment 2 200 000 litres d’alcool carburé (ou benzol), pour parcourir 5 670 600 kilomètres. Mais qu’est ce qui a donc pu interrompre la course folle de ces biocarburants première génération ? La découverte et la démocratisation de l’or noir pardi! À l’aube de la seconde révolution industrielle, le pétrole était moins cher et semblait alors inépuisable. Ce n’est qu’après les premiers chocs pétroliers et la découverte des conséquences du réchauffement climatique, que les politiques publiques destinées à soutenir les biocarburants se développent enfin.

Maintenant que ce petit rappel historique est fait, revenons à la question qui nous anime : les biocarburants, c’est quoi exactement ? Ce sont des carburants issus de la transformation de matières végétales renouvelables : betterave, colza, tournesol, céréales, déchets agricoles, résidus forestiers, canne à sucre…  Ces végétaux possèdent la possibilité de capter l’énergie solaire par la photosynthèse pour fabriquer et stocker des matières organiques (les mêmes qui après une très très lente évolution sont à l’origine du charbon ou du pétrole). À partir de ces végétaux, deux filières d’exploitation existent :

  • Les végétaux contenant du saccharose (betterave, canne à sucre) ou de l’amidon dans leurs grains (blé, maïs…) peuvent être transformés en bioéthanol, obtenu par fermentation alcoolique du sucre extrait de la plante sucrière ou par hydrolyse enzymatique de l’amidon contenu dans les graines de céréales. Cette filière « éthanol » ou filière « sucre » est de loin la plus développée dans le monde, principalement au Brésil ou le bioéthanol de canne à sucre couvre plus de 20 % des besoins nationaux en carburant !

  • Les végétaux contenant de l’huile (colza, tournesol, palmier à huile …), les graisses animales et les huiles usagées récupérées permettent de produire de l’huile brute qui est soumise à une transformation chimique (estérification) pour obtenir un composé (le biodiesel) lequel est utilisé en mélange avec du gaz oil dans les moteurs diesel. Les huiles issues des végétaux sont de loin les plus utilisées (90%).

Vous vous demandez certainement comment ces biocarburants peuvent être utilisés dans les moteurs de nos voitures, qui contrairement à celle de Nikolaus Otto n’ont pas été conçus pour ? Ici tout est une question de savants mélanges… et surtout de savants dosages! En effet, l’éthanol, notre biocarburant à haute teneur en sucre peut être mélangé avec des essences classiques dans des proportions allant de 5 à 85%. Mais comme la plupart des moteurs n’ont pas fait leur transition écologique, plusieurs types de carburants contenant de l’éthanol cohabitent dans nos pompes à essence. Vous les reconnaitrez facilement à la lettre E suivie d’un chiffre qui désigne leur teneur en éthanol, comme le E85 qui comme son nom l’indique contient 85% d’éthanol et 15% d’essence. Aujourd’hui, en France, il y a deux types de voitures qui peuvent consommer le Superéthanol-E85 :

– soit les voitures essence sur lesquelles un boitier homologué par l’Etat est installé par un garagiste agréé,

– soit les voitures dites « flex fuel » qui peuvent utiliser toutes les essences Sans Plomb quelle que soit la teneur en éthanol (E5, E10 ou E85) grâce à une adaptation automatique de leur fonctionnement.

Aujourd’hui, le Superéthanol-E85 se développe fortement en France, notamment grâce à son prix (en moyenne 0.68€/l en août 2019). Sa consommation progresse de 86% sur les 12 derniers mois et dépassera les 300 millions de litres sur l’année 2019. Le réseau de station proposant l’E85 se densifie avec 1450 stations E85 à fin août 2019, soit plus d’une station sur 7.

Il existe aussi de l’essence E10 contenant 10% d’éthanol qui est 4 à 5 centimes moins cher que le SP95 (qui contient déjà 5% d’éthanol, E5). Sa part de marché est croissante à plus de 47% en juillet 2019. Il est amené à remplacer le SP95. Toute voiture essence immatriculée à partir de 2000 est compatible avec l’E10. Le biodiésel quant à lui, composé aux propriétés voisines de celles des gazoles, peut être utilisé dans les moteurs diesel jusqu’à 7% (B7) ou 10% (B10) depuis 2019. En 2017, 7,7 % de l’énergie contenue dans le gazole était d’origine renouvelable.

Mais alors, plus de 300 ans après le siècle qui vit naitre le moteur à explosion, ne serait-on pas à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle qui roulerait aux biocarburants ? Tut tut tut ce n’est pas si simple ! Hé oui, car la surface qui leur est consacrée reste faible au regard des surfaces prioritairement destinées à l’alimentation. Depuis 2018 l’Union européenne dans sa Directive sur les Energies Renouvelables (dite RED2) a fixé un seuil d’incorporation maximal de 7 % de biocarburants de première génération dans les carburants et une croissance des biocarburants avancés avec un objectif de 3,5% en 2030. Ces nouveaux venus utilisent une matière végétale différente des biocarburants conventionnels : résidus agricoles, déchets forestiers, cultures dédiées comme le miscanthus… Pour le moment, les procédés de production sont plus complexes, car il faut pour le bioéthanol par exemple, d’abord extraire la cellulose, la transformer en sucres par action de micro organismes et enfin transformer ces derniers en alcool par fermentation avant de procéder à leur épuration. Pour le biodiesel, la technologie BtL (Biomass to Liquids), ou voie thermochimique, permet de produire du bio gazole et du bio kérosène. Cette technique consiste à transformer la biomasse rendue homogène, en gaz d’abord épuré, puis transformé par différents procédés chimiques et des catalyseurs en gaz oil et et en kérosène.

Aujourd’hui, une 3ème génération de biocarburants issus d’algues se développe même, bien qu’encore au stade expérimental. Vous l’avez compris, les biocarburants, c’est une longue histoire qui n’a pas fini de tracer sa route dans un monde de plus en plus soucieux de l’environnement.

Sources : IFP-EN, institut Carnot, club des bioéconomistes, Ademe ; ministère de l’écologie, SNPAA