Les légumes peuvent-ils pousser seuls ?
Les déjections issues des animaux d’élevage, aussi appelées engrais organiques, sont utilisées pour fertiliser les cultures. Jérémy Guil, ingénieur agronome à la Chambre d’agriculture de Bretagne, nous explique en quoi ces effluents d’élevage sont précieux pour les plantes…et pour le sol.
De quoi ont besoin les légumes pour pousser ?
Comme toutes les plantes, les légumes et les autres cultures se nourrissent d’énergie solaire, d’eau, ainsi que de minéraux : azote, phosphore, potassium, calcium, soufre. Une partie de ces éléments existent dans le sol, en quantité plus ou moins importante, mais en quantités trop faibles pour que les cultures expriment pleinement leur potentiel. Si un élément lui manque, la plante freinera sa croissance et le rendement sera plus faible qu’espéré. La qualité sera aussi impactée, avec par exemple des légumes ou graines trop petits, des plantes moins robustes face aux attaques de maladies ou ravageurs.
En quoi les effluents d’élevage (fumiers, lisiers) apportent-ils au sol ce qui lui manque ?
Les plantes absorbent l’azote sous sa forme minérale, appelée nitrate. Même avec une bonne gestion du sol, le nitrate n’est pas forcément disponible au moment où la plante en a besoin. Pour entretenir la fertilité du sol et compléter les besoins des plantes, on peut donc notamment apporter des fertilisants organiques, comme le fumier, le lisier, le compost ou ce qui reste au champ après récolte. Il faut savoir que les éléments minéraux contenus dans les fertilisants organiques ont besoin d’une phase de maturation dans le sol pour être disponibles pour la plante. Il est donc nécessaire de les apporter au bon moment, souvent 2 à 3 mois avant que la plante en ait besoin. Bien sûr, la fertilisation est encadrée d’un point de vue réglementaire (doses maximales par hectare, date d’épandage…) pour éviter tout excès de fertilisant qui ne pourrait pas être valorisé par la culture.
Quel est l’intérêt de ces apports organiques pour le sol ?
Les fertilisants organiques, dont les effluents d’élevage, entretiennent et améliorent la fertilisation et la fertilité du sol à long terme. Une partie des éléments minéraux apportés est stockée dans le sol pour bénéficier aux cultures suivantes. La fumure organique apporte aussi du carbone, qui favorise l’humus et améliore la structure et la vie du sol. Un sol bien pourvu et entretenu au niveau organique rend des services environnementaux : séquestration de carbone, infiltrabilité (résilience face aux inondations). Par ailleurs, ces fertilisants s’inscrivent dans un schéma d’économie circulaire grâce au recyclage des éléments non valorisés par les animaux. Les fertilisants de synthèse sont cependant utiles pour compléter les besoins en éléments des plantes qui ne seraient pas couverts par l’amendement organique.
Si demain l’élevage disparaît, quel sera l’impact sur les cultures ?
Si nous n’avions plus les engrais organiques issus des élevages, nous aurions un appauvrissement du sol en matière organique et en carbone. Il faudrait apporter plus d’engrais de synthèse, dont le bilan carbone est plus important, la disponibilité limitée, et dont les prix fluctuent. Les sols risqueraient à moyen long terme de s’épuiser et perdre leur fertilité physique.
Tanguy Rousseau, maraîcher et éleveur de vaches Blondes d’Aquitaine (22)
« Quand je me suis installé sur la ferme familiale en 2016, nous ne faisions que de la culture et du maraîchage. J’ai commencé à mettre en place un élevage de vaches allaitantes, car j’aime le contact avec les animaux. Mon frère m’a rejoint, puis nous avons développé l’activité : aujourd’hui, nous avons 50 vaches de race Blonde d’Aquitaine. Nous avions dès le départ l’idée d’une complémentarité entre les deux ateliers. Nos cultures et notre élevage sont labellisés Agriculture Biologique (sauf les serres de tomates et de fraises). Nous avons mis en place des rotations longues qui permettent d’avoir de belles cultures. Les prairies restent en place 4 à 5 ans, ce qui permet au sol d’avoir un taux de matière organique très intéressant. Derrière, nous plantons des choux-fleurs ou des brocolis pendant 2 ans. Ensuite, nous semons du maïs, puis des céréales, et à nouveau des prairies. Ces rotations diminuent aussi largement les risques sanitaires sur les choux-fleurs et les brocolis. Nous utilisons le fumier de l’élevage pour fertiliser nos cultures, ce qui enrichit le sol en matière organique et en azote. La structure du sol est meilleure, les plantes captent mieux l’eau et subissent moins la sécheresse. Et c’est du circuit court : le fumier produit par nos animaux parcourt au maximum 7 km car la majorité des terres sont autour de l’élevage. Nous utilisons donc de l’azote de proximité ! Nous utilisons aussi du lisier de porc d’un éleveur voisin pour fertiliser les prairies. »