Comment les agriculteurs se préparent-ils au changement climatique ?

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Si la Bretagne est moins affectée que d’autres régions, elle n’est pas épargnée par le changement climatique. Avec quelles conséquences et comment les agriculteurs s’y préparent-ils ?

Rennes, juillet 2019. Le thermomètre atteint 40.1°C. Une première qui, pour l’agro-climatologue Serge Zaka, ne sera pas une dernière. « Ces températures, inhabituelles en Bretagne où le climat, sous influence océanique, est doux, vont être de plus en plus fréquentes. Cette hausse s’accompagne déjà d’une modification de la répartition des précipitations : si la même quantité de pluie tombe chaque année, il pleut moins en été et plus en hiver. Et les événements type tempêtes et orages, sans être plus nombreux, sont plus intenses ». Cela ne va pas s’arranger : pour Serge Zaka, ces phénomènes vont s’accentuer. « Les records actuels seront la norme de demain », résume-t-il.

La sécheresse guette

Ces évolutions auront des impacts sur l’agriculture. La sécheresse pourrait ainsi concerner jusqu’à 20 % de surfaces agricoles bretonnes d’ici 2050. « Déficitaire en été, l’eau risque d’être excessive en hiver. Plus fortes, les précipitations hivernales seront moins efficaces : elles pénètreront moins dans la terre, saturant voire lessivant les sols, dont la teneur en eau sera moindre toute l’année. Doublé d’une accentuation de
la douceur hivernale, ce phénomène va intensifier l’évapotranspiration (1). Les végétaux se réveilleront plus tôt et seront davantage exposés au risque de gelées tardives, qui subsistera en avril
», explique Serge Zaka. Parmi les autres conséquences du changement climatique, une production de fourrage, tel le foin, plus précoce et importante au printemps mais moindre l’été, des animaux exposés à la chaleur ou encore un stress hydrique (2) renforcé sur les grandes cultures – blé, maïs et orge, avec à la clé, une stabilisation voire une baisse possible des rendements. « Depuis le début des années 2000, le changement climatique inhibe les progrès apportés par la mécanisation, le numérique ou la génétique et les rendements n’augmentent plus », reprend-il.

S’adapter maintenant

De l’irrigation intelligente, plus précise grâce à des outils d’aide à la décision, aux nouvelles semences, des solutions existent. « De nouvelles pratiques culturales se mettent déjà en place, estime Serge Zaka. De plus en plus d’agriculteurs utilisent des techniques de conservation des sols (TCS) : limitation du labour au profit du semis direct, couvert cultural (3), mise en place dans la rotation des cultures de légumineuses
qui fixent l’azote dans l’air et fertilisent le sol
». S’adapter, pour les agriculteurs, c’est aussi gérer différemment le fourrage, en faisant des stocks dès la sortie de l’hiver, pour avoir de quoi nourrir les bêtes l’été. Mettre en place des parcelles ombragées et équiper les bâtiments de ventilation et de brumisateurs, pour assurer le bien-être des animaux les jours de canicule. Changer de cultures aussi, en adoptant de nouvelles variétés plus résistantes à la sécheresse. « Blé, orge, maïs, elles sont déjà présentes ailleurs en France, en Italie ou en Espagne, souligne Serge Zaka. De manière plus radicale, c’est opter pour de nouvelles espèces qui deviendront plus rentables, comme le sorgho et le millet, ou même la vigne,
qui pourra bientôt être plantée autour de Rennes. Cela implique de créer dès aujourd’hui de nouvelles filières. Tout cela prend du temps et se prépare dès maintenant
».

(1) Processus de transfert de l’humidité de la terre vers l’atmosphère par l’évaporation de l’eau et la transpiration des plantes.
(2) Dû au manque d’eau, le stress hydrique apparaît lorsque la quantité d’eau transpirée par la plante est supérieure à la quantité qu’elle absorbe.
(3) Plantation d’espèces entre deux cultures, pour protéger le sol des excès d’eau ou de soleil et lui apporter des matières organiques.

David Morvan, éleveur de vaches laitières à Bohars (29)

« Pour les besoins de mon élevage, je cultive notamment 7 ha d’orge. Je constate que je moissonne une semaine à 15 jours plus tôt qu’il y a 20 ans. Les périodes très sèches et de pluie forte sont plus marquées, ce qui complique la gestion des fourrages et des effluents. Il faut être très agile et réactif, pour épandre, récolter, stocker. La terre est aussi plus difficile à travailler : plus lourde et collante l’hiver, elle durcit ensuite très vite. J’ai adapté mes pratiques culturales. J’ai totalement abandonné le labour et l’hiver, j’utilise désormais des couverts végétaux valorisables, qui me permettent de nourrir mon troupeau et d’enrichir les sols. Tournesol, avoine, seigle, radis, phacélie, féverolle… Vrais réservoirs à CO2 et à biodiversité, ces espèces à croissance rapide et fort pouvoir d’enracinement contribuent à améliorer la structure des sols, à préserver l’érosion et limiter le ruissellement ».