Glynis Bentoumi

Glynis Bentoumi
Ingénieure d'expérimentation
Saint Pol de Léon (29)

Lundi

Je me présente Glynis, je suis ingénieure d’expérimentation dans le pôle légumes sous abris au sein du Caté à Saint-Pol-de-Léon (29).

Je travaille essentiellement sur les tomates et les fraises. J’ai fait des études d’ingénieur à Angers à l’Institut Agro pendant 5 ans. Après mon parcours, j’ai été pendant 6 ans conseillère en production sous serre à Nantes. J’ai rejoint l’équipe du Caté il y a 1 an et demi en tant qu’ingénieure chargée des expérimentations légumes sous abris.

Le Caté est un syndicat professionnel crée en 1960 et qui depuis 1982 gère la station de Vézendoquet, ancien site d’expérimentation INRAE. La volonté de la structure est d’avoir une gestion professionnelle pour apporter une plus-value aux producteurs. Notre mission est de répondre aux problématiques que peuvent avoir les producteurs et filières par la démarche expérimentale. L’objectif est de faire autant, voire plus, et/ou mieux avec moins. Nous avons 4 pôles d’expérimentation : les légumes de plein champ, les légumes sous abri, l’horticulture ornementale et les champignons cultivés. Je travaille au sein d’une équipe de 23 salariés dont 10 ingénieurs. La gouvernance est assurée uniquement par les producteurs.

Nos essais sont cofinancés par les producteurs via le @CERAFEL (Association d’Organisations de Producteurs (AOP) reconnue pour ces légumes), la @chambre régionale d’agriculture, la @région Bretagne, et le @conseil départemental du Finistère. Nous travaillons en collaboration étroite avec la station expérimentale de Terre d’Essais située dans les Côtes d’Armor (22).

Nous répondons aussi à des appels à projets publics pour des essais de recherche appliquée à une échelle régionale, nationale voir européenne.

D’autres sources de financement sont la vente de produits végétaux quand les essais le permettent et des prestations pour sociétés privées. Avec notre statut de syndicat professionnel, le but est de fédérer les acteurs du territoire breton. On va travailler pour des organisations qui peuvent être concurrentes, mais quand on parle technique, projet, et de problèmes de producteurs, ce sont des sujets fédérateurs. Notre structure a pour slogan depuis le départ : au service des producteurs et d’une ambition pour la Bretagne. Notre ancrage territorial est fort, on est vraiment sur une volonté de répondre aux enjeux des producteurs. On travaille à créer de la valeur sur notre territoire et aussi une diversification des cultures.

Mardi

On fait de l’expérimentation pour répondre à des questions qui partent de producteurs, des filières et techniciens. Ils nous interpellent pour savoir comment résoudre une problématique. Il faut comprendre les besoins pour définir l’expérimentation permettant de trouver des solutions adéquates.
Par exemple, actuellement les coûts de l’énergie flambent : on va chercher à travers nos expérimentations à répondre à cette problématique.

On travaille sur la gestion de l’énergie depuis les années 2000, avec des expérimentations sur la gestion climatique : les serres sont ainsi optimisées avec des outils tels que les écrans thermiques qui permettent une économie de 25% d’énergie. Dans les prochains mois nous testerons des outils innovants qui doivent permettre d’économiser de l’énergie et qui ne sont pas encore déployés chez les producteurs. Nous allons aussi observer plusieurs variétés pour trouver les plus adaptées à des conduites avec peu de chauffage.

Mercredi

Ce qui diverge par rapport à chez un producteur, c’est que dans nos serres, on a plusieurs petits compartiments. Cela permet de différencier le climat en fonction des variétés qu’on cultive ou de ce qu’on veut étudier. On peut aussi diversifier l’arrosage grâce à un système de gouttières différenciées.

On fait des expérimentations en condition de production, comme les producteurs, on reçoit les plants de tomates en décembre-janvier pour le cultiver 11 mois sur 12. On fonctionne comme un producteur avec l’enroulage, la descente des plants, la récolte, l’effeuillage…du jeune plant jusqu’à la fin de culture.

On répartit les expérimentations par parcelles pour tester une variété, un substrat, un bio stimulant… Cette année, nous avons près de 160 variétés en observation !

Notre objectif est par exemple de trouver des plants qui résistent mieux aux maladies, qui produiront des légumes avec plus de goût, qui demandent moins de temps de travail, moins d’eau, moins d’énergie…

Le test d’une variété dure plusieurs années. On fait un premier bilan avec les producteurs au bout d’un an pour voir si cela à un intérêt. Si c’est le cas, on expérimente une seconde année pour confirmer ou non les résultats. Au début des cultures, on apporte des auxiliaires Macrolophus qui sont des petites punaises vertes qui s’installent dans les cultures, qu’on va nourrir et qui vont lutter contre les ravageurs. Ce sont nos alliés de base. Nous avons d’autres auxiliaires qui peuvent être utilisés de manière ponctuelle en cas de problème.

Jeudi

Notre travail est d’avoir les références sur les cultures, tout ce qui est cultivé dans nos serres est mesuré.

On fait des relevés et des suivis d’irrigation journaliers. L’objectif est de quantifier la quantité d’eau utilisée pour l’optimiser. Pour nous aider, nous utilisons des balances qui pèsent le substrat et les plantes. L’évolution du poids nous indique si la culture reçoit suffisamment d’eau. Nos mesures sont relevées sur des feuilles de notations ou sur tablettes. On les retravaille ensuite pour avoir des graphiques, des statistiques afin de remettre un rapport le plus détaillé possible aux producteurs. Avec ces notations très complètes, cela leur permet de faire leurs choix en toute connaissance.

Pour évaluer le goût, une fois par mois, on mesure les taux de sucre dans les tomates. C’est un indicateur parlant pour les producteurs et les distributeurs.

Dans un second temps, pour les variétés dont on a pré-validé les performances agronomiques, les résistances aux maladies… on va plus loin en travaillant avec un laboratoire (@Vegenov) qui va être capable de faire des analyses physico-chimiques des tomates (acidité, fermeté du fruit…) et faire des analyses sensorielles avec des panels de dégustateurs. Ce sont eux qui auront le dernier mot. Le goût n’est pas forcément le seul axe qu’on cherche à développer, l’innovation peut aussi passer par la couleur et la forme des tomates.

Vendredi

Nous travaillons énormément en réseaux et avec différents partenaires. Je me déplace régulièrement chez des producteurs locaux, en France ou à l’étranger. Cela permet de rester à jour techniquement, mais aussi de sonder les producteurs sur leurs problématiques. C’est aussi très enrichissant d’aller à l’étranger pour voir les techniques utilisées. Inversement les chercheurs et producteurs étrangers viennent aussi nous rendre visite pour échanger.

Nous faisons la restitution de nos travaux vers différentes cibles : les producteurs, les partenaires, le grand public lors de portes ouvertes par exemple… Je diffuse aussi mes résultats au travers d’articles dans la revue « Aujourd’hui et Demain » qui est éditée par le Caté et qui est distribuée de manière trimestrielle aux producteurs bretons.

On reçoit beaucoup de producteurs avec leurs conseillers pour voir les variétés et les techniques testés. Les groupes de producteurs viennent environ une fois par mois pour voir l’évolution et la qualité des tomates.

Le temps fort de la saison est la commission technique en fin d’année où on restitue tous les résultats aux producteurs et où on fait des propositions d’essais pour l‘année suivante. Les producteurs donnent aussi leurs idées : nous construisons ensemble les tests qui se dérouleront demain au Caté. Merci d’avoir pris le temps de m’écouter. La semaine prochaine ce sera au tour de Florian pisciculteur à Scaër (29) de vous expliquer son métier. A bientôt !