Patrik Sastre
Lundi
Bonjour à toutes et à tous, merci à Clément Lostanlen d’avoir lancé Agribretagne 2022 !
Je m’appelle Patrik Sastre-Coader de la @bergerie du Menez-Hom. Je suis éleveur de moutons ‘Landes de Bretagne’ dont je commercialise la laine et la viande, à Dinéault (29).
J’ai fêté mes 10 ans d’installation l’été dernier entouré de mes 2 fils, ma famille et mes amis !
J’ai grandi dans un milieu scientifique avec un père botaniste. De ce fait, j’ai toujours été en contact avec la nature et avec le milieu rural. Après des études scientifiques et des travaux en ornithologie sur le colibri tête bleue de Martinique (oui oui :)), j’ai obtenu une licence de géographie dans le développement des territoires.
Lors de ma première expérience de 10 ans dans une charte intercommunale de développement et d’aménagement (ancêtre de la communauté de communes) dans le Gard, je traitais des sujets agricoles comme l’irrigation mais aussi la promotion et la commercialisation en direct des produits agricoles. Ensuite, dans d’autres missions, j’ai sympathisé avec mon voisin de bureau à la chambre d’agriculture du Gard qui était l’animateur du syndicat ovin 😉
Durant cette période, j’ai bénéficié d’un Congé Individuel de Formation de 1 an pour préparer un Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation agricole – Polyculture élevage. J’y ai découvert d’une façon pratique l’arboriculture, l’élevage, le maraîchage… Cette formation et, ensuite, mon expérience de salarié agricole durant 2 ans m’ont permis d’appréhender les réalités du métier que ce soit au niveau du corps comme de l’esprit avant de m’installer !
Pourquoi la Bretagne ? J’ai eu un déclic lors d’un @Festival Interceltique de Lorient où il m’est apparu évident que c’était dans le sud Finistère que je voulais m’installer, aussi terre natale de mon arrière grand-mère (Cap Sizun) . J’ai quitté les Cévennes 2 mois après pour élever des moutons sur 20 ha. Aujourd’hui, j’ai 200 moutons sur 85 ha dont 25 ha sur le Menez Hom 🙂
Mardi
J’ai constitué 2 lots pour une meilleure gestion du troupeau. La période des agnelages s’étend du 15/11 au 31/12 environ pour le 1er lot et du 1/01 au 31/03 pour le second. Je démarre ma journée vers 8h auprès des animaux du 1er lot qui sont rentrés pour la nuit avec les agneaux : distribution de foin, soins, bouclage…
Ensuite, je vais faire ma tournée des champs pour vérifier que tout le monde va bien, que les clôtures sont opérationnelles et surtout rentrer en bergerie les premiers agnelages du lot 2. Je sors le lot 1 vers midi mais c’est la météo qui décide, parfois, c’est le matin. Si le temps est trop pluvieux, les moutons et les agneaux restent à l’abri durant le 1er mois afin de préserver leur santé et leur litière.
L’après-midi, place à la préparation des commandes ! C’est aussi un temps pour la promotion, la gestion et la commercialisation de mes produits, ce qui est très chronophage. En fait, je suis obligé de valoriser mes animaux à 100% en vente directe dans la mesure où les moutons ‘Landes de Bretagne’ sont boudés par l’immense majorité des bouchers traditionnels en bio ou en conventionnel car ils n’ont pas un gabarit qui rentre dans le standard classique. Cela implique de trouver les prestataires de services qui vont faire du travail à façon (découpe et transformations) sur des volumes modestes.
En fin de journée, je rentre tout le lot 1 avec l’aide de ma chienne Izy. Je vais voir les animaux vers 20h et minuit mais je suis aidé par la vidéosurveillance dans le bâtiment.
Mercredi
Au début de mon installation, je tenais à valoriser la laine de mes moutons. Mon troupeau a très vite été composé en majorité de moutons avranchins. Cette race est reconnue pour sa qualité lainière pour le fil à tricoter.
Cependant, très rapidement, je me suis rendu compte que le mouton avranchin ne convenait pas pour le pâturage de la lande du Menez Hom. C’est une race 100% herbagère. Dans la mesure où ma priorité était le pâturage du Menez Hom avec son herbe un peu dure, j’ai progressivement basculé sur le mouton ‘Landes de Bretagne’ qui s’épanouit pleinement dans ce cadre. Les animaux mangent de la molinie (graminée), de l’ajonc (légumineuse) ou aussi une pincée de bruyère !
De la sorte, je participe aussi à la sauvegarde de la biodiversité domestique en élevant cette race millénaire à faible effectif ayant toutes les qualités d’une race « écologique et productive ».
Jeudi
En parallèle de ce quotidien d’éleveur, j’aime expérimenter de nouvelles pratiques et travailler sur des projets.
J’ai déposé en conseil départemental un programme d’agroforesterie monté par la Chambre d’Agriculture qui consiste à planter 200 arbres sur 3 ans. Je prévois notamment des arbres fourragers comme le mûrier blanc et le frêne. L’idée est de couper les rameaux pour que les agneaux mangent les feuilles. Ce sera intéressant en période estivale car cette ressource alimentaire sera complémentaire à la faiblesse de l’herbe au mois d’août / septembre. Cela amènera du tanin qui est un bon vermifuge pour les animaux. Je planterai également des arbres fruitiers pour ma consommation personnelle et des arbres ornementaux ou bois d’oeuvre sur du long terme.
Côté cultures, les techniques de conservation des sols m’intéressent beaucoup. Je m’inspire des vidéos réalisées par Konrad Shreiber (ver de terre production) et de travaux réalisés par la Chambre d’Agriculture du Cantal. L’EPAB gérant le bassin versant algues « Baie de Douarnenez » s’est montré intéressé en raison de la problématique relative à la gestion des rejets d’azote lors des cultures suite à un premier essai fructueux sur de l’avoine en 2018. Nous avons prévu de faire un essai de semis de céréales (avoine et seigle) sur 2,5 ha de pâture ‘vivante’. C’est-à-dire que je ne vais pas travailler la terre de cette pâture avant de semer mais faire sur-pâturer, disquer puis semer avec un semoir direct spécial et rouler. L’idée n’est pas de révolutionner la production de céréales à destination du négoce mais de permettre à des éleveurs courts en surface ou/et soucieux de préserver la vie de leur sol de produire des céréales pour l’auto-consommation sans perdre de surface en herbe. A suivre !
Vendredi
Aujourd’hui, je vous propose de parler biodiversité.
Un autre projet en collaboration avec une société de chasse de Dinéault et la Fédération de Chasse du Finistère me tient à cœur. Nous souhaitons réintroduire des perdrix grises sur les parcelles groupées. Cette espèce est, à mes yeux, un bio-indicateur qui permet d’évaluer la qualité d’un biotope et d’évaluer les risques qui pèsent sur le milieu (par exemple, pollutions et prédations). A titre d’exemple, j’ai pu observer des faisans dans une grande parcelle pâturée par mes moutons sur le Menez-Hom voici 5 ans et, l’année dernière, j’ai vu un courlis. Grâce au pâturage, la lande est rabaissée ce qui favorise une ouverture du milieu pour d’autres espèces. Il nous faut donc créer des conditions d’accueil adaptées aux perdrix (calme, bandes de cultures adaptées) et à d’autres espèces animales.
En revanche, j’ai une grande crainte, c’est de voir arriver des loups en Bretagne. Selon moi, le loup est un mauvais indicateur de la biodiversité en France car, derrière l’image iconique d’une biodiversité fantasmée, se cachent toutes les espèces animales qui ont subi dans le sud-est ou qui vont subir sa prédation en Bretagne (chevreuils, cerfs élaphes, courlis cendrés, engoulevents …) et les impacts négatifs des moyens de protection comme des chiens de protection de troupeaux et des futures clôtures électriques sur la faune sauvage … et sur les usagers des espaces ruraux. Restons vigilants car son arrivée en Bretagne pourrait complètement déstabiliser notre terre d’élevage. A la profession et aux collectivités de porter un regard et une parole pragmatiques sur les conséquences du retour de ce grand prédateur.
J’espère que vous en savez un peu plus sur l’élevage des moutons à l’issue de cette semaine ! Je vous invite à suivre mon actualité sur ma page facebook @bergeriedu menezHom 🙂 A bientôt !