Anaïs Le Maux

Anaïs Le Maux
Éleveuse de porcs
Kreiz Breizh (22)

Je m’appelle Anaïs, j’ai 27 ans et je suis salariée sur l’élevage familial dans le Kreiz Breizh! Mon parcours scolaire : J’ai obtenu un bac STAV au Lycée Kerlebost.

Puis, je me suis éloignée de l’agricole en effectuant un BTSA Développement, Animations des Territoires Ruraux. Cela m’a permis de m’ouvrir à autre chose et cela me servira pour diversifier la ferme. Et pour finir, j’ai réalisé une licence pro « Agri-Manager » (aujourd’hui appelée GOAA) avec les Chambres d’agriculture de Bretagne à Pontivy.

Pour la partie historique de la ferme :

Cela fait plusieurs générations qu’elle est dans la famille. Mon père a repris la suite de ses parents en 1983. Il a gardé et agrandi la production laitière et porcine (extension en 1993 du bâtiment maternité de 1976) et quelques brebis pour entretenir les zones humides de la ferme. Après avoir travaillé à l’extérieur, ma mère l’a rejoint sur l’exploitation en 1986. J’ai été embauchée en été 2017.

Aujourd’hui la ferme se compose de :

  • 35/40 vaches à la traite, ce qui représente 300 000 litres de lait (laiterie Even)
  • 120 Truies en Naisseur-engraisseur (groupement Evel’Up Coopérative – label Le Cochon de Bretagne – label BLEU-BLANC-COEUR)
  • 15 brebis et leur suite
  • 94 Ha de foncier

Pour ma part, je suis polyvalente sur tous ces ateliers : traite des vaches, soin aux veaux, surveiller les agnelages, labour, presse, moissonneuse… En production porcine, je m’occupe de la partie reproduction/maternité.

Cette semaine, on parlera donc de cochon ! Notre troupeau de truies se divise en 7 groupes que l’on appelle « bandes ». La conduite en « bande 7 » se réalise donc en un cycle de 3 semaines distinctes.

Dans l’ordre : Mise bas -> Sevrage –> IA

Je vais donc vous faire une rétrospective des ces 3 semaines en partageant les moments forts de chaque semaine et les quelques « particularités » de l’élevage

Retour 2 semaines en arrière… Semaine de mise bas pour la bande n°3 ! La maternité se compose de 2 salles de 14 places et 2 salles de 3 places. Ainsi, il y a une moyenne de 17 truies en mises bas toutes les 3 semaines. La durée de gestation d’une truie est de 3 mois, 3 semaines et 3 jours !

Après avoir passé une partie de leur gestation dans la salle liberté, les truies sont rentrées en maternité le vendredi de la semaine précédente, pour des mises bas qui commencent en général le mercredi. Nous ne déclenchons pas les mises bas… on s’adapte aux truies et pas de d’bol si ca tombe le week-end ^^

Le lundi, j’installe des tapis de mise bas en carton, les lampes chauffantes, l’asséchant (poudre blanche composé de minéraux et d’huiles essentielles) ainsi que des sacs en toile de jute. Ces dernières servent à la truie à exprimer son comportement naturel de nidification. Une fois la mise bas effectuée, elles se désintéressent du sac, je le retire donc. Depuis que je les utilise, je trouve les truies beaucoup moins nerveuses, elles se lèvent moins pendant la mise bas. Ce qui est un signe de bien-être.

Quels sont les signes de l’imminence d’une mise bas ?

  • La truie est nerveuse / « joue » avec le sac de jute
  • Elle donne du lait
  • La position couchée de la truie : tête sous l’auge et espace derrière elle
  • etc…

Parfois, il faut intervenir lors de la mise bas pour aider un porcelet en difficulté. Par exemple, un petit qui a dû mal à téter, réchauffer un porcelet en hypothermie, réanimer un porcelet inconscient qui est resté trop longtemps dans le col de la mère, faire un garrot sur un cordon ombilical qui ne cesse de saigner (si pas d’intervention, cela peut entrainer la mort du porcelet). Autre exemple, le splays-leg. C’est un porcelet qui fait le grand écart des pattes arrières ou des 4 membres.

Il est alors nécessaire d’intervenir pour que le porcelet puisse se mouvoir et ainsi aller téter. L’intervention consiste à lui lier les pattes. Ensuite, patience…

Comme tous mammifères normalement constitués, la truie conclue la mise bas par l’expulsion du placenta. Je tenais à vous le montrer dans la vidéo, car j’ai déjà eu affaire à des personnes ne connaissant pas l’existence du placenta ! ^^’

Dans la vidéo sur le déroulement d’une mise bas, vous avez peut-être remarqué que la truie debout était surélevée… Et bien, c’est ce qu’on appelle une case balance.

Cette dernière empêche à la truie d’écraser ses porcelets lorsqu’elle se couche. Et oui, une truie qui se couche sur un petit ne se relèvera pas (Trop la flemme !)…

Je vous laisse imaginer le dénouement, d’une truie de 200kg allongée sur un porcelet de même pas 2kg… :S

Elles sont très utiles au moment des mises bas. Comme vu précédemment, une truie nerveuse pendant la mise bas, peut ne cesser de se lever et de se coucher. Un porcelet tout juste né, est désorienté et titubant. S’il se retrouve sous sa mère quand elle se couche, il n’est pas encore assez vif pour se mettre sur le côté de la truie et c’est malheureusement la mort assurée si nous ne sommes pas là pour intervenir. Mais elles sont encore utiles après !

Je m’en sers aussi lorsqu’une truie est méchante (truie nerveuse. 1ère mise bas pour les cochette –> »peur » des porcelets…) avec ses petits en début de mise bas qu’elle peut tuer…

Je bloque le levier en position relevée. Ainsi, les petits ne peuvent se faire croquer par leur mère. Je calme la truie (anti-inflammatoire, inhalation d’huile essentielle, caresses, musique…), une fois la truie « redevenue gentille », j’abaisse le levier afin que les porcelets aillent téter.

En 2017, les maternités étant devenues vieilles et obsolètes, la question de rénover s’est posée. En parallèle, il y avait des problèmes de porcelets morts écrasés par la mère. Ainsi, les cases balances semblaient convenir pour résoudre ce problème. Avant la rénovation, mes parents sevraient une moyenne de 10/10,5 porcelets. Aujourd’hui nous sommes entre 12,5 et 14 sevrés. 2 à 4 cochons sauvés grâce aux cases balances.

Toutefois, elles ne sont pas infaillibles et il y a tout de même quelques écrasés (les porcelets arrivant à monter la marche). Mais en chiffre cela représente 0 à 5 écrasés contre une trentaine auparavant.

Une fois que tous les porcelets sont nés, arrivent les 1ers soins…

Ils vont recevoir une injection de fer (pour éviter une anémie), je coupe les cordons ombilicaux secs trop longs (afin qu’ils ne marchent pas dessus et se blessent) et je désinfecte les nombrils.

Ensuite, vient l’étape de l’allotement. Cela consiste à homogénéiser les portées en nombre et en taille de porcelets. Pas d’inquiétude, les truies ne remarquent pas l’échange de leurs petits. Ou du moins, elles s’en contre-fichent…

Exemple dans la vidéo « allotement ». Le petit qu’on voit sur la photo aurait peu de chance de survie avec ses frères et sœurs 2 fois plus gros que lui. Et oui ! Pas de compassion mais de la compétition entre les porcelets ! C’est la loi du plus fort…

En général, sur une bande de truies, je réalise une portée de « tout petits » porcelets. Il faut donc que je choisisse une truie avec des tétines adaptées à la petite taille des porcelets et ainsi leur assurer la survie.

Travaillant avec du vivant et malgré l’attention apportée aux porcelets, nous sommes tout de même confrontés à la mort de porcelets.

Ces pertes peuvent être dues à :

  • Maladie (en général diarrhée)
  • Mal formation (pas d’anus, malformation des membres…).
  • Accident (truie qui écrase ou tue volontairement ses porcelets)
  • Morts nés à la naissance
  • Sélection naturelle : porcelets trop faibles, anorexie/pas de reflexe de succion …

Bref, il se passe la même chose dans la nature (je vous invite à vous renseigner sur les stratégies r et K)

Quelques jours plus tard, je réalise la 2ème partie des soins.

La caudectomie, coupe des queues. Elevés en groupe, les cochons peuvent avoir des comportements cannibales entre congénères. Cela peut engendrer de graves infections voir la mort de l’animal attaqué. L’intervention, réalisée avec un fer chaud ne dure que 2/3 secondes.

Pour les mâles, je réalise une castration. Pourquoi ? La viande de certains mâles (dit « mâles odorants ») dégage une mauvaise odeur lors de la cuisson, due aux hormones créées lors de leur puberté.

La castration se déroule sous antidouleur et dure moins de 15 secondes. Pratique controversée, elle sera interdite en au 1er janvier 2022.

Je ne vous cache pas que c’est une intervention contraignante pour moi (et je pense, pour tous les éleveurs/salariés). Pour moi, l’arrêt de la castration signifie moins de boulot pénible, plus de confort et de bien-être pour le porcelet et l’éleveur !

Néanmoins, j’ai pu entendre des aberrations de la part de certains médias/assos. (Porcelets agonisants des jours et plaies ouvertes pendant plus d’une semaine…)

C’est pourquoi, je tenais à vous montrer le comportement des porcelets, tout de suite après une castration ainsi que l’évolution de la cicatrisation. Les porcelets ne montrent pas de signes de souffrance.

La 1ere chose qu’ils font étant d’aller téter (un animal souffrant ne se nourrit pas). Ils jouent. Ne sont pas traumatisés par le soigneur…

Une image valant mille mots, je vous laisse découvrir la vidéo.

PS : Pour en savoir plus sur cette intervention, je vous conseille cette publication de Luna De Kereonnec

Changement de semaine, nous voilà en semaine de sevrage pour la bande n°2 ! Les porcelets sont sevrés à 28 jours.

A la naissance, ils pèsent dans les 1,5kg. Au sevrage, une moyenne de 8kg ! (ils mangent bien à la cantine). Les porcelets sont sevrés le mercredi matin.

Mais les jours précédents, il y a d’autres interventions à réaliser : le mardi après-midi, je transfère un groupe de truies confirmées gestantes (par échographie réalisée par l’inséminateur des vaches !) dans la salle où elles finiront leur gestation.

Cette salle a été rénovée en 2013 pour répondre à la norme bien-être des truies gestantes. Elles ne sont donc plus contentionnées et sont libres de se mouvoir comme elles le veulent.

Cette salle est divisée en 2 zones. 1 zone héberge 2 groupes de truies. On appelle cela une conduite dynamique.

Pour l’alimentation, les truies sont autonomes. En effet, l’aliment est servi dans un DAC (distributeur d’aliment). Chaque truie possède une puce à son oreille. C’est un peu sa carte de self pour aller manger ! Nous pouvons suivre leur consommation d’aliment sur un ordinateur.

Avant de transférer les truies dans la salle de gestation, je vérifie qu’elles possèdent toutes 1 boucle d’identification et 1 puce electronique. Pour les truies primipares, ce sera leur première fois dans le DAC. Je leur attribue donc une puce que j’enregistre sur le logiciel du DAC et qu’elles garderont le temps de leur carrière.

Dernière chose avant de les transférer, je bombe (avec une bombe spéciale animaux) leur numéro de bande sur le dos afin de les différencier du groupe déjà présent dans la gestante (gain de temps pour les vaccins, 2ème écho et entrée en mater).

Pour les primipares, je bombe leur numéro d’identification en plus. Afin de les repérer plus rapidement les jours suivants, car il va falloir leur apprendre à rentrer dans le DAC pour s’alimenter.

Qui dit mise en liberté dit mise en place de hiérarchie entre les truies. La vie du troupeau fonctionne avec des truies dominantes et dominées. Ainsi, il y a quelques bagarres les 1ers jours, le temps que la hiérarchie se mette en place.

Je réalise le transfert l’après midi, comme ça la bande déjà en place a mangé. Les truies sont donc calmes, font la sieste… Il y a donc moins de bagarre avec l’autre groupe. ça leur laisse le temps de se découvrir/ de se tolérer avant le prochain repas (le lendemain).

Dans la verraterie (salle où les truies sont contentionnées pour l’insémination et la nidification des embryons), les places sont lavées afin d’accueillir la bande suivante.

Nous voilà rendus à mercredi matin… Jour du sevrage !

Cela consiste à séparer les truies et les porcelets. Les mères sont transférées sans encombre dans la verraterie et les porcelets changent de bâtiment pour aller dans le Post-Sevrage.

Les jours précédents le sevrage, les truies reçoivent des minéraux afin de les préparer à la séparation et la venue des chaleurs.

Je suis très intéressée par les médecines dites « naturelles » (je suis d’ailleurs inscrite dans un groupe de médecines naturelles avec BCEL Ouest).

Sur l’élevage, j’utilise des huiles essentielles, phytothérapie, du kéfir, de l’acupuncture (oui oui, vous avez bien lu)…

Ainsi, du mercredi au vendredi de la semaine sevrage, je vaporise sur des mouchoirs de l’huile essentielle de sauge sclarée que je fais inhaler aux truies, afin de faciliter leur venue en chaleur (oui, rien qu’à l’odorat).

Depuis que je réalise ce protocole, toutes les truies sevrées le mercredi sont en chaleur le lundi matin (avant, elles s’étalaient sur le début de semaine).

Les jours qui suivent le sevrage se traduisent par lavage de la salle de maternité, enregistrement des mises bas et sevrage sur un logiciel de suivi…

Nous voici arrivés en semaine d’insémination artificielle.

Nous réalisons 2 IA :

  • 1ère lundi matin
  • 2ème mardi matin

Je tiens à préciser que les chaleurs interviennent naturellement (stress du sevrage, huile essentielle, stimulation par un verrat « souffleur »…). Les truies ne sont pas piquées aux hormones ou autres. C’est l’instinct animal !

Les cochettes (truies n’ayant jamais mis bas) viennent (en général) un peu plus tard dans la semaine.

Elles reçoivent leurs premieres IA dans une case liberté, où elles sont libres de se mouvoir. Ainsi, si elles n’étaient pas consentantes, il serait impossible pour moi de les inséminer

Quels sont les signes d’une chaleur ?

  • Vulve gonflée et rouge
  • Grognement spécifique
  • Immobilité de la truie (traduction : j’accepte le chevauchement/l’IA. Ou encore, « Je veux des bébés ! »)
  • Elles pointent des oreilles

Déroulement d’une IA :

  • Je lave la vulve avec de l’eau tiède savonneuse et une brosse souple.
  • J’essuie la vulve avec du papier essuie-tout.
  • Je prépare la sonde. Pour les cochettes, je mets un peu de gel pour que cela glisse mieux.
  • Une fois la sonde en place, j’appuie sur la dose afin d’envoyer la semence dans le raccord.
  • Après, c’est la cochette qui fait le travail. Elle va volontairement aspirer la semence.
  • Une fois la dose vide, je dois attendre avant de retirer la sonde. En effet, sous l’action de la cochette, la sonde est accrochée au niveau du col de l’utérus. Pour ne pas la blesser, je dois patienter pour l’enlever 😉

Les sondes utilisées pour l’insémination sont mises dans des « poubelles » récoltées par une société qui recycle les déchets médicamenteux (idem pour les flacons de médicaments, aiguilles, etc…)

Semaine particulière pour les porcelets en maternité… Et oui, ils vont rencontrer de nouveaux copains pour jouer !

En effet, j’enlève les parois entre plusieurs truies (3 x 3 portées // 4 x 2 portées ) afin de les mélanger.

Pourquoi ?

  • Sociabilisation des porcelets (en Post-Sevrage, ils seront quasiment tous mélangés. La salle étant divisée en 2 parties. Moins de bagarre le jour du sevrage)
  • Sociabilisation des mères envers d’autres petits
  • Certains porcelets reprennent du poil de la bête en allant boire le lait de la voisine
  • Bien-être : plus de place pour courrir, dormir…
  • Consommation d’aliment : les porcelets qui mangent bien apprennent aux autres la consommation de granulés.

Il y a un gain de temps lors du sevrage lorsque je remets les parois.

Le 1er jour, c’est la fête et le désordre en même temps ! Les porcelets courrent partout, les truies ne sont pas trop contentes (cela ne dure que les premières minutes), les porcelets se bagarrent (rien de bien méchant à cet âge là et ils le faisaient déjà entre frères et soeurs pour jouer 😉 )

Mais rapidement, chacun retouvre sa place à la tétine 🙂

Je vous partage en vidéo, un de mes moments préférés en maternité 😉

Le vendredi de la semaine IA, je transfère les truies de la gestante en maternité. Et oui, mise bas imminente pour la bande n°4 !

Comme vu précédemment, il y a 2 groupes de truies mélangées dans le DAC.

Je rentre les truies l’après midi lorsqu’elles ont toutes consommées leur ration d’aliment.

La panse bien remplie, les 2 groupes sont calmes et font la sieste.

Je commence par réveiller calmement les truies. Je leur apprends la phrase « On sort ». Ainsi, à chaque gestation, elles savent ce qu’il faut faire…

La truie se lève et se dirige directement vers la porte de sortie (où certaines truies de l’autre bande tentent leur chance pour sortir :p). Je lui parle « positivement », la félicite. Je pense que les caresses et les « gentilles paroles » sont importantes. Cela se ressent dans le comportement des truies. Ici, on nous dit souvent qu’elles sont pots de colle ^^

Dans le couloir, la truie sait très bien quel chemin prendre et dans quelle salle elle doit aller.

Elle rentre toute seule dans la case ! Si elles étaient traumatisées par le fait d’être contentionnées pendant 1 mois en maternité, il me serait impossible de les rentrer (les truies faisant 4 à 5 fois mon poids (#teampetite) et ont une force de Hulk) ! 😉

De plus, elles ont déjà consommé leur ration d’aliment le matin, donc ce n’est pas la faim qui les fait rentrer dans la case (même si elles ont une toute petite miette d’aliment pour consommer le vermifuge).

Je place les cochettes au milieu de la salle, entre elles mais aussi entourées de truies plus vieilles. Elles sont donc moins stressées.

Et voilà, nous venons de réaliser 3 semaines en 1 😉

Merci de m’avoir suivie durant cette semaine 😉 La semaine prochaine, Guillaume Divanach vous emmène avec lui !