Pourquoi met-on les volailles à l’abri ?

La grippe aviaire est une maladie redoutable pour les volailles. Comme nous l’avons été lors de la Covid-19, les éleveurs n’ont pas d’autre choix que de les confiner par précaution. Anne-Françoise Robin, éleveuse, nous explique les implications pour sa ferme.

« Jusqu’à l’été dernier, nous avions été relativement épargnés. Ce n’est plus le cas. La grippe aviaire est désormais remontée jusqu’en Bretagne ». Anne-Françoise Robin et son mari Thierry sont producteurs d’œufs à Caro (56). À la suite de la découverte d’un cas à Ploërmel, en août 2022, leur territoire a été placé sous surveillance.

Comme bien d’autres éleveurs, et comme les propriétaires de basse-cour, ils ont dû confiner leurs volailles ayant habituellement accès à des espaces extérieurs. Une mise à l’abri de précaution, pour limiter le risque de contact avec les oiseaux sauvages, source majeure de contagion, mais aussi de transmission entre élevages. « Pour les poules, habituées à sortir dans la journée, nous avons réaménagé le jardin d’hiver, avec davantage de paille et des jeux. Elles se sont très bien adaptées ! », sourit Anne-Françoise.

Biosécurité renforcée

Le protocole de biosécurité a été renforcé. Outre les éleveurs, seules les personnes indispensables au fonctionnement de l’élevage, comme les livreurs de fourniture (aliments, gaz…) ou les ramasseurs d’œufs, sont autorisées à y pénétrer, en prenant moultes précautions. Lavage des mains et des chaussures, changement de tenue de travail… Les mesures sont très strictes. Le matériel est aussi concerné. « Nous
avons notamment dû nous équiper pour nettoyer les véhicules, qui peuvent contribuer à diffuser le virus par exemple par les fientes qui pourraient se trouver sur leurs roues. Et nous désinfectons les abords des bâtiments au bactéricide ou à la chaux vive tous les 15 jours minimum
».

Afin de détecter d’éventuelles contaminations au plus vite, la surveillance s’est aussi intensifiée, avec des prélèvements très réguliers de fientes et de poussières, envoyés au laboratoire pour analyse.

Risque de pénurie ?

Pour l’exploitation, la charge financière est conséquente, et pour les éleveurs, la charge mentale lourde. Mais l’éleveuse sait que c’est pour la bonne cause. En cas de contamination, les poules devront être abattues, avec à la clé, un risque de hausse des prix, voire de pénurie d’œufs et de volailles. « Dans
les Côtes d’Armor et le Finistère, près d’1,5 million de poules ont récemment dû être abattues
», précise-t-elle.

Anne-Françoise redoute aussi une importation massive de produits de pays où les cahiers de charges de production sont moins stricts. « En France, la surveillance est importante et les consignes bien respectées par les éleveurs professionnels. Nous faisons de notre mieux pour jouer notre rôle nourricier. C’est indispensable pour conserver notre souveraineté alimentaire ».


Crédit photo : B. Holsnyder

L’œil d’expert

Gilles Salvat, directeur général délégué du pôle Recherche et Référence de l’Anses

L’influenza aviaire, communément appelée grippe aviaire, est un virus mortel pour les oiseaux. Introduit en Europe par la faune sauvage migratrice, très contagieux surtout via les fientes, il peut vite décimer des populations entières. La mise à l’abri des volailles pendant la période de migration et de risque maximal, de mi-novembre à mi-janvier, a permis, jusqu’à récemment, de limiter l’introduction du virus dans les élevages, et les mesures de biosécurité et de diagnostic de freiner sa diffusion. Cela ne suffit plus. Fin février 2022, des cas sont apparus dans des élevages en Vendée. Fin mai, il y avait plus de 1 000 foyers. En raison de la concentration de virus dans l’environnement, des oiseaux autochtones non migrateurs ont été contaminés, et ont à leur tour contaminé des élevages en Bretagne, où la mise à l’abri a dû être instaurée.

Le plus urgent est de rompre ce cycle infernal de contamination par jeu de ping-pong entre faune sauvage et élevage. Les vaccins sont une piste pour y parvenir. Il en existe, mais pour l’instant ils sont interdits en Europe et n’étaient jusque-là que peu adaptés aux souches de virus circulants actuellement dans le monde. Des études récentes menées en Europe sur différentes espèces de volailles (études sur les canards en France) avec plusieurs types de vaccins montrent que des solutions vaccinales existent pour limiter la contagiosité du virus. Les recherches se poursuivent et une réflexion est engagée pour trouver la stratégie de vaccination la plus efficace, avec le meilleur rapport coût/bénéfice. Sans être un remède miracle, la vaccination associée à des mesures de biosécurité devrait permettre, à terme, de passer plus sereinement les périodes de risque.