Antoine « Agriskippy »

Antoine "Agriskippy" Thibault
Éleveur laitier
L'Eure

Une semaine un peu particulière car Agribretagne se permet une escapade en Normandie chez Antoine, plus connu sous le pseudonyme Agriskippy sur Twitter. Bonne semaine !

Chaque jour de l’année, qu’il pleuve vente ou neige, la journée débute à 7h30/8h

Et elle se finit… quand c’est fini !

Première mission de la journée : rentrer les vaches pour la traite et pailler les logettes. Les bâtiments sont conçus pour offrir un maximum de confort aux vaches qui doivent être couchées 14 à 16 h par jour pour leur santé. Puis vient l’heure de la traite du matin. Les 55 à 60 vaches sont traites en 1h15 environ. Les lundis mardis jeudi vendredi, c’est le travail de Marianne qui travaille avec moi depuis 6 ans. Le reste du temps c’est bibi.

Suite de la journée : soins aux veaux. (J’en parlerais plus tard de comment ils deviennent grands). Puis les vaches vont en pâture de mars à fin octobre la journée. Bon, cette année avec la sécheresse, l’herbe a manqué dès juin donc les vaches sont ressorties fin septembre

Vient l’heure de la distribution de maïs et du rabotage du lisier.

11h – Tour des bêtes : on vérifie la santé des génisses et vaches au pré. L’après midi est souvent consacrée aux travaux administratifs ou à la famille avant la traite du soir. Le métier d’éleveur (ou de salarié en élevage laitier) c’est 2 astreintes obligatoires par jour.
Et à 18h traite du soir qui finit vers 19h15 19h30. Elles ont un complément de maïs pour améliorer leur croissance. Elles vont bientôt rentrer et passer l’hiver en bâtiment.

Le pipi et le caca des vaches sont stockés dans une fosse à lisier. Ce lisier est épandu 4 à 5 fois par an sur les champs pour fertiliser les cultures.

Voilà donc le déroulé d’une journée typique. Souvent les tâches relatives aux vaches sont effectuées par Marianne et je m’occupe plutôt du boulot des champs (sauf le mercredi !) Mais ça, les champs je vous en parle demain

On va présenter la ferme aujourd’hui. Elle est située dans le sud de l’Eure, donc bien plus proche de Paris que de Lannion ^^. L’Eure est un département très typé grandes cultures, notamment notre zone où le blé et le colza sont les cultures majoritaires.
L’Eure compte moins de 400 fermes laitières (certains cantons n’en ont plus) mais notre village en regroupe 5 avec de jeunes installés! On est considéré comme le « village d’Astérix », cette dynamique locale permet une bonne entente lors des chantiers d’ensilage et pour la CUMA.
Ah petite précision, notre zone est l’une des plus sèches de France avec moins de 580 mm de pluie par an (contre 720 à Rennes et 1100 à Brest). Cette particularité implique une faible production d’herbe et rend l’irrigation du maïs cruciale. Une autre particularité est la présence de nombreux cours d’eau. Certains naturels comme l’Iton et d’autres créés pour l’irrigation ou pour alimenter les villes assiégées pendant la guerre de 100 ans.

Ici c’était l’Angleterre à l’époque !

Mon arrière grand père acheta la propriété en 1936 et mon grand père entreprit de s’installer en 1950 en reprenant des terres à son beau père. C’est ainsi qu’il construisit la ferme… au milieu des bois !

Donc c’est joli quand les vaches vont au pré. Quand à moi, j’ai repris la ferme à mon père en 2002 (ça nous rajeunit pas tout ça ma bonne dame !). A l’époque il y avait 30 vaches sur 55 hectares, 240 000 litres de lait par an. Maintenant, sur 73 ha, 60 vaches et 50 génisses composent le troupeau pour 550 000 litres de lait. Le lait est collecté tous les deux jours par ma coopérative @SodiaalCoop et, fierté normande oblige, mon lait est transformé en le meilleur fromage qui soit. Promis demain je vous parle de mes vaches.

Les voilà les stars des réseaux, celles qui permettent de transformer l’herbe en lait : Mes vaches

J’élève majoritairement des vaches Holstein : les reines de la production laitière. C’est la première race de vache au monde : grandes, minces, faites pour consommer beaucoup de nourriture et produire ainsi beaucoup de lait. Leur production varie de 20 à 45 litres par jour. Mais leur lait est assez pauvre en matières grasses et protéiques (45 et 33 grammes par litre en moyenne)

Sélectionnées autrefois surtout sur la production, elles sont devenues assez sensibles aux maladies. Mes critères de sélection concernent donc la longévité et la morphologie. Elles sont évaluées chaque année par @prim_holstein

Mais vous avez sûrement remarqué d’autres vaches marron… Les jersiaises originaires de l’île de Jersey. Ces vaches très petites 1,15 m vs 1,50 pour les — sont aussi de grandes laitières, la 2ème race laitière au monde. Aujourd’hui le troupeau est à 83,5 points sur 100 (moyenne fr à 81). Avec 4 vaches parmi les meilleures de France.

Leur production de lait dépasse rarement les 30 litres par jour mais il est très riche : 55 et 45 g/litre de matières grasses et protéiques. Soit une très bonne quantité de matière utile, avec un lait plus fromageable et un léger goût de noisette. Tempérament vif et sympa en +

Pourquoi j’ai des Jersey ? Ben papa en a offert une à ma petite sœur juste avant de me vendre la ferme. Et elle a fait des petits qui ont fait des petits… Faut avouer que c’est craquant tout petit

Reste à vous présenter LA STAR : Paupiette qui va bientôt avoir un an et qui a fait la matinale de BFM TV au dernier salon de l’agriculture ! C’est une NORMANDE

Paupiette, fille de Normande, est une vaches de race mixte, adaptée à la production de lait et de viande, de celles qui produisent le fameux camembert de Normandie AOP.

Mais je dois vous avouer que ces vaches sont beaucoup trop calmes et câlines pour moi, de vraies nouilles !
Si vous êtes sages, demain je vous explique comment tout ce petit monde grandit

J’attends toujours que les premiers blés des voisins soient à 2 feuilles pour attaquer les semis.

Pourquoi ? Semer tard limite les levées de mauvaises herbes et les attaques de pucerons. C’est une sérieuse économie de produits phytos au programme : Écologie et économies.

Bon après, j’en ai que 12 hectares c’est une grosse journée de boulot. Et ceux qui en ont beaucoup à semer n’ont pas d’autres choix que de commencer tôt pour finir pas trop tard

Agriskippy

Devinez qui est née cet après midi ? Une jolie femelle qui, dans 2 ans, sera aussi grande que sa mère.

Tout commence avec une insémination. Le poids idéal d’une génisse pour ça est 430 kg. Le stade idéal est la 2ème chaleur cyclée après vêlage pour les vaches (autour de 50/70 jours). La gestation dure 9 mois 1semaine et…

Dès la naissance, une fois léchés par leur mère les veaux rejoignent les cases individuelles et après la première traite un bon biberon de colostrum qui les protégera des maladies. J’explique ça plus en détail ici :

Le passage en cases individuelles dure 2 à 3 semaines. Le fait que les veaux soient isolés permet de limiter les maladies. Au menu : lait matin et soir et de l’eau.

Petite précision : j’élève uniquement les femelles pour le renouvellement du troupeau. Les mâles vont dans d’autres élevages pour la viande. Ils sont vendus autour de 3 semaines.

Puis vient le passage en cases collectives. Au menu : du lait jusqu’au sevrage vers 3 mois et progressivement elles mangent de plus en plus de paille et de granulés à base de céréales.

Elles resteront en cases jusqu’en avril de l’année suivante où elles rejoignent le pâturage.

Au menu : de l’herbe quand elle pousse ou de l’enrubannage quand il fait trop sec (à partir de juin cette année )

Elles y resteront jusqu’en octobre pour rentrer en bâtiment ou elles mangeront du foin, de l’ensilage d’herbe et un peu de maïs. Ce sera le moment de les inséminer entre 15 et 20 mois pour à leur tour rejoindre le troupeau 9 mois après

Le cycle de la vie quoi !

Voilà la fin de la semaine @agribretagne en Normandie, c’est passé si vite ! Une semaine riche de mauvaise foi, de joyeuses rivalités qui me va droit au cœur car Mamie était bretonne, de celles qui ont appris le français à l’école. Une chose est sûre : montrer chaque semaine une ferme différente avec des agris passionnés est génial ! Et ce concept devrait clairement être étendu aux autres régions, à toute la France car nos agricultures sont belles.

Et on peut en être fiers !

Le beurre c’est sans sel