Guillaume Rovarc’h

Guillaume Rovarch
Guillaume Rovarc'h
Chef de cultures plein champs
Pleumeur Gautier

Je m’appelle Guillaume Rovarc’h, j’ai 38 ans. J’ai été embauché le 1er janvier 2013 à la station Terre d’Essais, tout d’abord comme technicien d’expérimentations pour ensuite tenir le poste de chef de cultures plein champs.

Je suis dans le milieu agricole depuis toujours : dès 10 ans je faisais  les cocos de Paimpol avec mes parents, j’ai eu mon premier bulletin de salaire à 14 ans, j’ai planté des choux l’été jusqu’à mes 20 ans. J’ai passé un BTS Productions Végétales au lycée de Kernilien.

J’ai ensuite trouvé mon 1er emploi sur Paimpol chez un producteur de semences de fleurs et de légumes. J’y ai travaillé deux ans, avant d’aller récolter des légumes industrie pendant 2 saisons (épinards, herbes aromatiques, haricots). Je suis ensuite parti en Vendée prendre un poste de second d’exploitant chez un maraîcher plein champ et sous abris. Je suis revenu en Bretagne par la suite et j’ai été pris à la station d’essais.

Un petit mot sur mon employeur : Terre d’essais est une association de type loi 1901. Elle a été créée en 1969 d’abord à Plougrescant, et depuis 1982 dans ce site actuel de Pleumeur Gautier en rachetant une ancienne ferme. Les premiers essais ont été menés pour des productions conventionnelles et en 1998, nous sommes passés en bio.

Nous avons 10 ha de de cultures de plein champs (9ha labourable) et 5 000 m² sous abris, la moitié en bio et l’autre en conventionnelle. Nous menons des essais financés par des cotisations professionnelles (CERAFEL, CASDAR, chambre d’agriculture) par des fonds publics ( par la Région Bretagne, département des Côtes d’Armor, collectivités de communes GPA et LTC), ainsi que par des appels à projet (FranceAgrimer, Agence Française de la biodiversité, et  l’Etat et l’Union Européenne). Les essais que nous réalisons sous forme de prestation auprès de sociétés privées ainsi que la vente de nos légumes participent également au financement de la station.  

Nous sommes 3 à travailler dans le programme d’expérimentation en plein champs et 3 autres dans le programme d’expérimentation sous abris sous serres. L’équipe est complétée par une secrétaire et par un ingénieur CTIFL détaché sur la station au programme d’expérimentation en plein champ.

Les essais que nous menons en plein champ se concentrent sur tout ce qui se fait dans la région : choux-fleurs (c’est le tiers de nos surfaces), brocolis, choux pommés, artichauts, échalotes, poireaux, potimarrons, courges, butternuts, coco de Paimpol, poireaux, carotte…

En sous abris les principales cultures travaillées sont la tomate, le concombre, et la fraise.

L’évaluation variétale est une de nos activités principales (plus de 70 variétés de chou-fleur sont évaluées chaque année sur la station) et nous travaillons également sur la protection des cultures et sur la mise au point d’itinéraire technique. Ces dernières années nous nous sommes notamment intéressés à l’identification d’un itinéraire technique pour la production de patate douce Bio dans les Côtes d’Armor.

Tous les ans, les producteurs et les techniciens de la filière (conseillers, expérimentateurs et chercheurs) se réunissent en commission technique pour échanger sur des derniers acquis de l’expérimentation, recenser les besoins, et proposer de nouvelles actions de recherche et développement.

Des propositions de projets sont ensuite déposés, en collaboration avec d’autres stations et instituts techniques, pour obtenir les financements nécessaires à la mise en place des expérimentations

Nous avons fini les essais de l’année dernière, nous démarrons les implantations de nouvelles cultures. Nous allons mettre des brocolis après les engrais vert semés sous couvert des  essais en potimarrons. Nous avons semé en juillet dernier 5 couverts différents entre les films plastiques avant la récolte des potimarrons. Cette pratique permet de faciliter la mise en place des engrais vert (fenêtre climatique) et de s’assurer également que le sol soit couvert pendant l’hiver pour limiter la lixiviation des nitrates. Ces couverts sont censés éviter un passage après les potimarrons. Ces couverts se sont développés pendant l’hivers et ont été récemment détruit avant  Maintenant, on défait ce couvert pour implanter la culture des brocolis. Cette année nous pourrons évaluer l’intérêt des différents couverts testés sur la culture brocoli.

Là, on va implanter un des essais qui vise à évaluer la faisabilité de produire des d’échalotes sans film plastique. Nous allons comparer l’utilisation d’un film plastique classique en polyéthylène, d’un film plastique biodégradable, à la production d’échalote sans plastique avec un désherbage mécanique et ou thermique.

Aujourd’hui nous semons des engrais verts (mélange de pois et de féverole), comme précédents aux cultures de chou que nous planterons en juillet. Cela fait 20 ans que nous travaillons sur ces couverts que l’on enfouit pour améliorer la structure du sol et sa fertilité.

Nous avons réalisé un guide engrais vert qui condense 15 années d’expérimentations biologiques. Il résume une multitude d’informations pratiques et techniques (52 pages, 36 fiches techniques regroupées en 7 grandes thématiques).

Ce guide (financé par le Cerafel, l’agence de l’eau loire Bretagne) est disponible sur demande à Terre d’Essais et est destiné uniquement aux agriculteurs.

En 2020, plus de 27 expérimentations ont été mise en place sur la station d’essais. En avril, nous allons débuter des essais pour évaluer l’intérêt de l’irrigation sur trois variétés de semis. En Bretagne, on travaille plutôt avec les drageons mais l’utilisation d’artichaut de semis est plus courante dans le Sud de la France. Nous sommes dans la 3ème année de recherche pour voir si l’artichaut de semis peut être produit dans la région. Nous travaillons avec le CATE pour identifier les pratiques adaptées (calendrier de production, densité, irrigation…) à cette culture.

Comme notre budget est limité, nous sommes devenus experts en bricolages divers et variés (autoconstruction de bineuse, lame souleveuse, déchaumeur à dents,…). On se prête du matériel aussi avec les agriculteurs voisins. Ceci dit, on devrait bientôt investir dans des GPS pour nous permettre de rester à la pointe de la technologie et suivre le rythme des agriculteurs.

Le GPS nous servira à travailler les problématiques liées à l’enherbement (précision du binage) et à tracer nos parcelles plus facilement. Pour l’instant, on travaille avec des équerres optiques qui nous permettent de tracer nos parcelles au carré

Nous utilisons des blocs pour répéter nos essais. Cela nous permet de tenir compte des effets des parcelles (une zone humide ou plus sensible aux attaques de mouches ou de taupins) qui induisent des différences dans le développement des cultures.

Pour parler un peu des essais sous serre chez nous, mes collègues travaillent beaucoup sur la production de tomate et de concombre  le bio sous abris. On espère également pouvoir prochainement obtenir des financements pour travailler sur la production de fraises biologiques en plein champ et sous abris. Comme en plein champ, les expérimentations s’intéressent à l’évaluation variétale, la protection des cultures, et la mise au point d’itinéraire technique. Une attention particulière a été portée ces dernières années sur l’évaluation variétale des tomates de segmentation (variétés anciennes, cocktail, cerises…). L’évolution de la règlementation concernant le chauffage des serres bio à partir de 2025 est un nouveau challenge auquel l’équipe sous abris doit répondre dans les prochaines années.

J’ai la chance qu’on me fasse confiance ici. J’ai une grande liberté dans mon périmètre (choix de l’assolement, du matériel, des semences), toujours évidemment dans le respect des protocoles d’essais.

L’un des nombreux aspects intéressants de mon travail, c’est qu’on échange avec beaucoup de producteurs de la zone et du nord de la Bretagne.

Un exemple concret avec la patate douce. Nous passons de 0.5 ha dédiés à l’expérimentation à l’échelle de la région à 8 ha de production cette année. Nous avons rassemblé des producteurs allant de Brest à Saint Malo pour nous lancer sur ce domaine. Il y a eu beaucoup de recherches et de partages d’informations. Nous avons contribué à mettre en place de la logistique, de l’emballage, du stockage…pour cette nouvelle culture dans la région en collaboration avec les producteurs et leurs organisations. Et c’est une petite satisfaction d’avoir apporté notre pierre !

La diversification des systèmes de culture maraîcher Bretons est un défi à relever car, au-delà des changements climatiques, la consommation des légumes traditionnels diminue et il est donc nécessaire d’explorer de nouvelles voies. De même, comme il y a davantage de producteurs bio, les parts de marché diminuent.

Les producteurs doivent sans cesse innover pour rester compétitifs.

On doit mener nos essais pour trouver des nouvelles variétés qui tiennent le coup et des itinéraires culturaux sur de nouvelles espèces pour que tout le monde puisse trouver sa place sur le marché. Nous anticipons les attentes des producteurs mais aussi celles des clients. C’est un peu l’avenir des producteurs qui se joue dans nos champs !