Morgane Le Varnier

Morgane Varnier
Productrice de champignons
Erquy (22)

Lundi

Bonjour, merci à Isabelle Le Page pour son témoignage avant les vacances. Je suis Morgane Varnier, j’ai 32 ans et je suis productrice de champignons depuis 1 an et 2 mois. Je me suis installée à Erquy juste avant le covid. J’ai passé 10 ans dans un cursus de viticulture et œnologie bio, de la production de la vigne jusqu’au travail en cave. J’ai passé 2 ans à voyager et j’ai fait mes dernières vendanges en Touraine en 2020 au Sot de l’ange.

J’ai quitté l’Australie fin 2019 au moment où les incendies ravageaient tout. On sent que leur système est au bout et dans le même temps, des petits systèmes fonctionnent bien avec les principes de permaculture.  Aux Philippines, j’ai vu des systèmes agricoles adaptés pour des petites communautés. Chaque façon de faire a ses avantages et ses inconvénients. On peut toujours trouver une solution et s’adapter.

Je suis revenue au moment du COVID avec une idée en tête : produire à manger ! J’aime bien le vin, mais en cas de crise, on a besoin de manger ! Je voulais revenir sur du basique. Mes connaissances en maraîchage n’étaient pas suffisantes pour m’installer. Je n’ai pas non plus de terres. Comment être agricultrice sans terre ? J’avais déjà croisé la culture de champignons en stages, en Australie aussi avec des producteurs en extérieur et en intérieur. J’ai commencé à m’y intéresser et à y voir des possibilités infinies avec des variétés adaptées en fonction de la production. Je me suis formée et un ami de mon père m’a mis à disposition un ancien poulailler pour construire mes 2 premières serres de 30 m². J’en ai ajouté 2 depuis et une 5ème est en chantier. Je suis allée au plus simple et efficace et pour le moment, ça marche.

Je produis entre 5 et 6 tonnes de champignons à l’année, je vise les 8-10 tonnes dans l’idéal pour fournir les clients et vendre le surplus pour les produits transformés.

J’ai démarré en produisant des pleurotes et du shiitake. Je fais de la vente directe, je travaille avec des restaurateurs, des magasins bio indépendants, deux AMAP et une association de paniers paysans (la binée paysanne). Je suis sur les marchés d’Erquy un samedi matin sur deux.

Bonne semaine en ma compagnie !

Mardi

Pour qu’un champignon pousse, il faut un substrat, composé de paille et de sciure. Quelque part, on part d’un sous-produit, d’un déchet et on en tire le maximum. Je travaille avec un fabricant de substrat bio basé à Callac. Le champignon est cultivé sur du mycélium, qui va reproduire le champignon. Une tonne de substrat donne 250 kilos de champignons sur un mois.

En fonction de la variété, le substrat sera humidifié, pasteurisé ou stérilisé. Le mycélium doit être dans les conditions idéales pour coloniser l’ensemble du substrat au plus vite. Suit une période d’incubation : 15 jours – 3 semaines pour le pleurote ; 3 semaines – 1 mois pour le shiitake. Durant cette période, le substrat est placé en chambre d’incubation, il y a  une grosse concentration de CO2 et une température fixée entre 20 et 25° en fonction des variétés.

L’incubation faite, le champignon rentre en phase de fructification. Les champignons ont besoin d’un choc physique ou thermique pour pousser. Ce choc peut avoir lieu en chambre froide ou plus simplement durant le transport.

Je réceptionne les substrats à ce moment-là, en fin de fructification. Je réunis sous serre les conditions idéales de ventilation, en chassant le CO2 et en augmentant le taux d’humidité.

Une première volée de champignons sort. Grâce au mycélium restant, une deuxième récolte est possible, éventuellement 3. Je peux en récolter entre 15 à 20 kilos par jour. 

Après cela, je sors le substrat des salles. Je le revends à des particuliers pour du paillage. Parfois, des pleurotes ressortent si les limaces ne les mangent pas avant !

Mercredi

Pour les pleurotes, je récolte par grappes, doucement, pour laisser de la paille et qu’ils repartent.

Pour le shiitake, c’est plus technique. On les récupère à la main pour bien retirer le pied et éviter les moisissures.

Jeudi

Tout est automatisé dans les serres pour gérer la ventilation et l’humidité. Les ventilateurs sont réglés par ordinateur. Un hydromètre détecte les taux d’humidité. S’ils sont trop bas, l’humidificateur (fabrication maison) se met en route et lance une brume.

La lumière est gérée par un timer. Quand j’arrive à 7h, c’est déjà allumé si besoin. Beaucoup d’automatisations sont mises en place, ça me permet de faire autre chose.

Vendredi

En tant que productrice, j’ai à cœur de rentrer dans des organisations qui peuvent me faire rencontrer d’autres agricultrices, me faire voir d’autres types d’élevages et de cultures paysannes. Un jour, j’ai reçu un mail de la chambre d’agriculture me proposant de participer à une journée « Agriculture au féminin ». J’ai adoré, j’ai trouvé les échanges bien menés, les sujets intéressants et l’intervenante pertinente. À la fin de la journée, elles ont proposé au groupe de s’impliquer, j’ai accepté.

C’est super intéressant, car d’autres agricultrices racontent leurs expériences de vie, d’agriculture. Elles viennent d’horizons différents, agricoles ou non, bretonnes ou accueillies par la Bretagne. C’est chouette car j’amène un autre type d’agriculture.

Je sors d’un milieu viticole où j’ai bien subi le machisme, ce n’était pas facile. Je ne me voyais pas ne pas reprendre part à un groupe qui remet la femme en avant, qui donne des clés d’épanouissement personnel et professionnel. Il faut être là et prendre les places.

N’hésitez pas à suivre la page Agricultrices de Bretagne et à participer à nos échanges ! Je vous remercie de m’avoir suivie. La semaine prochaine, découvrez Laurie, son élevage laitier et sa production de…savons !