Sébastien Courant

Sébastien Courant
Pisciculteur
Saint Martin des Champs (29)

Lundi

Bonjour, merci à Karine et à Emmanuel pour leur témoignage !
Je m’appelle Sébastien Courant, je vais avoir 52 ans. J’ai fait une école de pisciculture entre 1985 et 1989 qui m’a amené au BTA option pisciculture à Guérande. Je suis arrivé en Bretagne en 1990, recruté par la famille Gourvennec (ça parlera sans doute aux habitants du Nord Finistère 😊). Cette famille possédait plusieurs élevages de poissons en Bretagne. J’ai été embauché comme second d’alevinage pendant 3 ans, avant de devenir responsable du site de Traon Kerret à Saint Martin.
J’ai été salarié de la famille jusqu’en 2005. À cette date, nous avons été vendus à un autre groupe, qui a été liquidé en 2009 dans un contexte rendu difficile par les cours très bas de la truite. J’ai fait une proposition de rachat et j’ai finalement repris 2 sites, celui de Traon Kerret et la pisciculture du Moulin Rouge qui est située en amont sur le Queffleuth. Un pari risqué qui me permet de vivre de ma passion aujourd’hui. Je reçois les œufs à Moulin Rouge, ce qui permet d’alimenter la deuxième pisciculture en truitelles (environ 500 000 par an). Nous sommes indépendants comme cela.
Avec 4 salariés sur les deux sites, nous produisons 420 tonnes de truites, dont 300 tonnes dédiées à la fumaison.
Je suis adhérent de la coopérative des aquaculteurs bretons depuis 2011. En 2019, j’ai pris la présidence du STEB (syndicat de la truite d’élevage de Bretagne).
Bonne semaine en notre compagnie !

Mardi

Le début de semaine est généralement consacré à la préparation du départ des poissons. Ils partent vivants de l’élevage, de nuit.
Le tri est réalisé plus tôt par une machine pour les poissons d’1.5 kg, à la main quand ils font plus de 2 kg.
C’est plus contraignant pour le salarié mais nécessaire pour s’assurer de la qualité du poisson qui aura nécessité deux ans d’attention et de présence. Le bon état des poissons est à nouveau contrôlé lors de leur arrivée à l’usine avant l’abattage.
Une partie de cette production est congelée à partir de juillet car la majorité des ventes se fait à Noël. Nous nous sommes organisés avec la filière de transformation pour que le consommateur puisse avoir du poisson de qualité, et ceci toute l’année.

On reçoit deux fois par an 300 000 œufs en avril et novembre. Ils éclosent dans le hangar d’alevinage. Ils y restent 2 mois et demi où ils sont chouchoutés. La qualité de l’eau est alors primordiale ! Ils passent ensuite en bassin de pré grossissement pendant 1 mois et demi, jusqu’à 8 g . Dernière étape, les bassins extérieurs pour grandir. En moyenne, le cycle d’élevage dure entre 20 à 24 mois.

Mercredi

Les poissons sont nourris avec des granulés, très coûteux en ce moment… Ils sont composés à 20 % de produits de la pêche, le reste avec des végétaux. Sur mes deux sites, les truites en consomment 50 à 60 tonnes d’octobre à mai.

J’attache de l’importance au nourrissage à la main. Le poisson est un animal à sang froid, son corps se régule avec la température de l’eau (avec un optimum entre 8 et 14 degrés). Il faut savoir gérer sa nourriture en fonction des conditions météorologiques. Trop froid, il ne mange pas. Trop chaud, il risque d’être malade. Autant de paramètres qu’une personne gère mieux qu’une machine, les réactions des poissons sont observées pendant la distribution et on s’adapte directement à leurs besoins. Pour autant, j’ai mécanisé le transport de nourriture à l’intérieur de mes sites pour éviter le mal de dos de mes salariés grâce à une machine que j’ai d’ailleurs découverte au SPACE Rennes, auquel participe le STEB.

Jeudi

En fin de semaine, avec Christophe, le responsable du site de Traon Kerret et Stéphane le responsable du site de Moulin Rouge, nous faisons le point sur le travail de la semaine à venir.

Il faut 4 personnes pour gérer mes deux élevages. Chacun de mes salariés a 1 week-end de garde, cela nous libère pour avoir notre propre vie de famille le reste du temps. Par le passé, c’était 1 week-end sur 2 sur un site.

Nous avons fait évoluer le travail par rapport à la société. Avant, on ne sortait pas de l’élevage. Avec nos téléphones et nos transmetteurs, on peut se déplacer et faire nos courses… En général, nos alarmes résonnent en cas de fortes pluies et de pannes électriques, quand il faut déboucher les feuilles de nos conduits. L’autre source d’inquiétude, c’est l’oxygène de nos bassins. On diffuse de l’oxygène pour le confort des truites. C’est un équilibre délicat à trouver car il faut doser suffisamment pour le bien-être du poisson et ne pas gaspiller !

On a mis en place un système qui enlève les particules de plus de 60 microns de l’eau, ce qui améliore la qualité de l’eau qui est restituée à la rivière en sortie de mon élevage. Nous avons aussi un système innovant pour enlever le gaz carbonique dans l’eau. Pourquoi ? Ce système a pour but d’être moins dépendant du débit de la rivière l’été tout en gardant un confort optimum pour les truites.

Vendredi

Depuis 30 ans, la qualité de l’eau ne fait que s’améliorer. Je le dis d’autant plus facilement que mes truites sont un excellent détecteur de pollution. C’est dû aux efforts de tous : pisciculteurs, agriculteurs, stations d’épuration, citoyens, les innovations réalisées par nos partenaires… Dans notre profession, tout le monde essaye d’aller de l’avant dans le réglementaire. Ici, on a investi plus de 300 000 € dans l’amélioration de l’eau sans que l’Etat ne l’oblige, pour pouvoir élever et améliorer mes conditions d’élevage et mon impact sur l’environnement. Après, je souhaiterais que les choses qu’on nous demande soit plus en adéquation et proportionnées avec nos structures. La complexité administrative fait abandonner de nombreux projets en pisciculture. J’ai vu des dossiers réalistes être abandonnés car les jeunes devaient engager des dossiers lourds et coûteux. C’est dommage d’autant que la consommation française de produits aquatiques est très fortement dépendante des importations. Comme nos collègues agriculteurs, nous œuvrons à la sécurité alimentaire de notre pays.

Ma grande passion, c’est… la pêche en mer. Depuis tout petit, j’adore ça et dès que je peux, je fais tout pour rejoindre mon bateau et partir au large de l’île de Batz. Je vous souhaite donc un bon week-end, en espérant que vous en saurez un peu plus sur l’élevage de truites !

La semaine prochaine, David Basset vous fera vivre le Salon International de l’Agriculture (page officielle) !

Champs